Monochromes d’Appolinaire Guidimbaye, dit Doff.

Appolinaire Guidimbaye, dit Doff, expose, pour sa deuxième exposition personnelle à la Galerie Art-Z, des tableaux abstraits dont la profondeur et la matérialité du noir contrastent avec ses précédents assemblages. Cette série, constituée de paxalu, un élément d’isolation thermique collecté à la suite d’un incendie sur une plage de Côte d’Ivoire, met l’accent sur l’urgence écologique.

Survol de paysages désertiques ou ravagés par le feu ? Rappel du réchauffement climatique ? Les premières oeuvres de cette série évoquent la terre asséchée d’Afrique tandis que les toiles présentées ici révèlent un paysage plus géométrique et ordonné. Influencé par l’oeuvre de Soulages lors d’une résidence près de Rodez, Doff repense ici ses compositions. Sillons tantôt mats, tantôt brillants, l’oeuvre dialogue avec la lumière environnante. Ses toiles révèlent divers paysages abstraits, rejoignant toujours, par leur texture, le minéral et le terrestre.

Artiste complet, il s’initie d’abord à la marqueterie, à la pyrogravure et à la peinture au Tchad. Aujourd’hui, l’artiste soude les différents fragments retrouvés çà et là comme une tentative de réparation de la terre. Découpées, grattées, entaillées et travaillées au chalumeau, ces oeuvres évoquent la dureté de sa terre natale, le Tchad, et donnent naissance à des traits lumineux d’espoir. Les « Noirs au-delà des ténèbres » renferment une certaine idée de la lumière. Parfois, une touche d’or apparait, délicatement ordonnancée comme une goutte d’espoir dans cet océan de noir.

«Doff» en wolof signifie l’original, le fou. Ce surnom lui fut donné lors d’un workshop par des artistes sénégalais taquins. Artiste singulier, on le trouve curieux, obstiné, unique. Le voilà baptisé. Ses oeuvres sont avant tout un dialogue avec l’histoire de l’art contemporain et font de lui, l’un des artistes africains les plus prometteurs. Il n’a jamais dévié de sa vocation quitte à se brouiller de longues années avec son père. Sur ses toiles comme dans la vie, Doff continue de creuser son sillon et de tracer sa route, faisant feu de tout matériau

BIOGRAPHIE

Artiste autodidacte, DOFF s’initie très jeune à la marqueterie et devient vite expert dans l’assemblage des métaux. Dans ses premières oeuvres, l’artiste récupère toutes sortes d’objets, tels que des perles, des journaux, des circuits électriques mais aussi des douilles près de champs de tirs afin de dénoncer les ravages des conflits internes des pays africains. Depuis 2019, il travaille essentiellement avec le paxalu une matière découverte sur les plages de Côte d’Ivoire lors d’une résidence à Assinie et met ainsi en avant les problèmes de sécheresse et de pollution. 

Après des années de guerre civile, le Tchad s’est retrouvé fortement affaibli, notamment sous le prisme de la culture et des arts. Aujourd’hui, le pays cherche à s’affirmer et à s’imposer sur la scène Africaine en acquérant une nouvelle visibilité. C’est dans ce contexte paradoxal, partagé entre tensions internes et espoir d’ouverture internationale, que Doff a commencé sa carrière artistique en tant que plasticien puis scénographe. 

Artiste engagé à l’échelle locale et continentale, il est un passeur, un lanceur d’alerte qui milite à la fois pour sortir le Tchad du désert culturel dans lequel le pays stagne et pour dénoncer les dégâts écologiques que subit son continent comme la pollution et la désertification. Sa démarche, basé sur le recyclage, est à la fois pédagogique et artistique. Il initie les enfants à l’art de la récupération tout en les sensibilisant à la protection de l’environnement. Vu comme un « grand frère », il les accompagne afin qu’ils récupèrent ensemble des matières jetées, abandonnées dans les rues pour ensuite les transformer.

Il a crée l’association KNOCK ON ART, qui a pour but de valoriser et de promouvoir l’art contemporain africain au Tchad et souhaiterai, à terme, créer des Rencontres internationales de l’Art Contemporain à N’djamena afin d’offrir à la ville une visibilité qu’elle n’a pas encore sur le plan des arts visuels. En tant qu’artiste, il a réalisé plusieurs résidences en Afrique et en Europe et a exposé dans de prestigieuses galeries, notamment lors d’Afriques au Carré et lors d’Africa 2020, à Montevidéo Marseille.