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Olivier Sultan
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Artistes exposés:
Bruce Clarke nous transporte sur une ligne de crête, nous élève à une altitude où nos certitudes et préjugés sont mis à mal. Face à l’échec de notre empathie devant les événements tragiques de l’histoire contemporaine, face à la fatigue des images et des mots, le défi de l’artiste est très grand: renouveler sans cesse le souvenir, raviver les émotions et notre réflexion.
Sa peinture, ses collages et photographies, au sujet souvent grave, parfois tragique, recèlent néanmoins une profonde beauté. Une « beauté du diable ». Ouvert et chaleureux, curieux des autres, plein d’humour, au coeur d’un réseau très informé de l’actualité africaine (et au-delà), Bruce Clarke a parfois côtoyé le pire, directement, ou par sa connaissance aigüe de l’histoire contemporaine.
C’est là, dans l’archéologie de la violence et des rapports de domination, qu’il va puiser les éléments nécessaires à ses oeuvres : des photos, des images, des témoignages qui lui permettent de transcrire la réalité (mal)connue en questionnement existentiel.
De ces remous, de ces drames, il parvient à agencer une vérité, une certaine beauté, et à maîtriser ce qu’il perçoit du chaos du monde…
Ses visages ont vécu : brossés, griffés, rayés, ils transparaissent sous les coups de pinceau, les vagues d’aquarelle, les couches d’acrylique, les ratures, l’estompage des contours. Ils demeurent ainsi dans l’anonymat, hors de toute psychologie et de toute narration, et pourtant très présents.
Contemporain et classique simultanément, l’artiste s’inscrit dans une longue tradition iconographique, avec une grande maîtrise du dessin, de la fresque, de l’aquarelle, qu’il transforme en palimpseste de la modernité.
Année terrible, aquarelle/collage 2024
Si l’œuvre de Bruce Clarke place le corps en son cœur durant les dernières années, c’est aussi le paysage (et en particulier le paysage industriel) qui se trouve très présent dans cette nouvelle exposition. Il ne s’agit pas toutefois d’un quelconque mélancolique retour à la nature bucolique, car ces paysages de désolation, ces forêts ravagées, ces plaines étendues et champs de bataille en feu, sont bien des métaphores du monde contemporain. L’Histoire est l’invitée cachée dans chaque tableau, en toute lucidité.
Et cette lucidité amène Bruce Clarke à toujours questionner notre manière de voir et d’interpréter ce que l’on voit.
L’artiste utilise des stratégies de représentation indirecte. Il subvertit l’évidence de l’image, de la photographie.
En quelque sorte, c’est l’expression d’un contre-pouvoir, qui met en lumière les angles morts, et qui articule les événements d’une manière différente.
Dans un contexte de « guerre des images », il fouille ses propres archives photographiques à la recherche d’images auxquelles il donne une seconde vie : il questionne ainsi le rôle du «photojournalisme» et la prétendue objectivité avec laquelle on entend documenter la réalité.
Olivier Sultan, septembre 2024
Quand une photo n’est plus une photo
« Avec le temps l’image se brouille, s’use, s’estompe tel un palimpseste. Un télescopage avec d’autres événements, majeurs ou non, confond la lecture et embrouille le lecteur.
La photo est copiée, recopiée, brusquée, déformée parce que racontée de mille manières approximatives. On lui impose un sens, un discours qu’elle ne peut pas, dans sa platitude de fait, contester. Elle devient trace de traces laissées.
Certaines photos dans cette exposition viennent du Rwanda d’août 1994 – quelques semaines à peine après le génocide des Tutsis. Mais elles ne sont pas une représentation du Rwanda en août 1994. Pourtant, elles y ont été prises, j’y ai été pour les prendre.
Maintenant elles font partie d’un passé recomposé.
Finalement, est-ce qu’une image photographique raconte la vérité, une vérité quelconque ? Elle n’est peut-être plus qu’une archive hors contexte, déconnectée de ce qui a été la hyper-réalité de 1994 : des rescapées qui ont (sur)vécu à l’horreur des horreurs.
La trace visuelle, la photo, est, en somme, banale et a besoin d’un complément d’information, une re-contextualisation pour avoir du sens.
J’ai essayé de récréer avec ces photo-collages l’ambiance onirique, dérangeante où les images de la réalité flottent dans les méandres de la mémoire d’autres réalités et de la déformation informationnelle. Tels mes tableaux, ces compositions ne sont pas des illustrations de quoi que ce soit mais des évocations subjectives qui incitent à réfléchir bien plus qu’à informer.
La remémoration prend ici la forme non pas seulement du rappel à la mémoire d’un événement, mais de la capacité à convoquer de nouvelles images. »
Bruce Clarke, septembre 2024
PARIS
27 rue Keller
75011 Paris
Metro: Bastille
PARIS
Mercredi-Samedi
14h00-19h00
Oliver Sultan
Artistic Director
+33 6 63 24 42 22
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